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20 ans après, la loi Toubon a-t-elle toujours tout bon?

Formation professionnelle - 17/01/14

Il n’est pas rare aujourd’hui, dans de nombreuses entreprises (qu’elles soient ou non confrontées à l’internationalisation des échanges), d’entendre des anglicismes à longueur de journée comme « tu me forward ton travail ASAP » (pour « as soon as possible ») ou encore « je suis surbooké, impossible de respecter la deadline » !  Sans compter que les salariés peuvent avoir à effectuer un « test des spares » ou lire un message « in progress depuis today »Logiciels, noms de service et même intitulé de postes (responsable supply chain, par exemple) sont régulièrement rédigés en anglais.

 


Que prévoit la loi Toubon ?


Cette loi qui porte le nom de l’ex-ministre de la Culture, Jacques Toubon, a fixé des limites à l’utilisation de l’anglais en entreprise modifiant ainsi le code du travail. Les offres d’emploi, contrats, accords et convention, règlements intérieurs, et plus largement tout document dont la connaissance est nécessaire au salarié pour l’exécution de son travail doivent être rédigés en français.

 

 

La justice rappelle régulièrement à l'ordre des patrons récalcitrants.


Il a par exemple fallu dix ans de procédure, et plus d'un an de négociations, aux représentants du personnel de General Electric Medical Systems pour obtenir, en 2008, que les notices de logiciels et d'appareils médicaux soient tous traduits de l'anglais au français. En 2006, l'entreprise avait pourtant été condamnée en première instance, puis par la cour d'appel de Versailles, à payer 600 000 euros de pénalités


En avril 2007, Europ Assistance a aussi été condamné à livrer à ses salariés une version française de deux logiciels du service comptabilité, après une plainte du syndicat chrétien. En 2011, la question est remontée jusqu'à la Cour de cassation: la juridiction a rappelé à l'entreprise Data Systems son obligation de rédiger, en français et non en anglais, une clause d'objectifs qui fixait la part variable du salaire d'un cadre.

 


Pour quelles raisons défendre encore cette loi ?


Les défenseurs acharnés de la loi Toubon justifient leur combat par le fait que l'anglais au travail peut être facteur de stress et de discrimination pour les salariés âgés ou peu qualifiés. D'après une étude du Centre d'études de l'emploi publiée en 2009, dans les entreprises de plus de 20 salariés, un employé sur quatre doit s’exprimer dans une langue étrangère, à l’écrit ou à l'oral. Ce qui gênerait le bon déroulement du travail pour 22% d'entre eux.  Un point sur lequel peut se pencher le CHSCT…

 

 

Finalement, que peut-on faire en anglais ?


Eh bien c’est là que cela se corse ! Si initialement la règle semblait simple (« tout en français »), la jurisprudence a apporté des éclaircissements au fur et à mesure des conflits qui se sont présentés à elle. Ainsi, il a été reconnu que le fait que l'entretien préalable de licenciement se déroule en anglais n'est pas une irrégularité de procédure à la condition que les deux parties pratiquent couramment cette langue. La seule chose qui compte est que cette rencontre se tienne dans une langue compréhensible par les deux parties, sinon il faut faire appel à un interprète (Cass. soc., 6 mars 2007, n°05-41378).

 

Le règlement intérieur ? Rédigé en français ! Par contre, il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Pour exécuter correctement ses obligations, spécialement quand les activités sont complexes, le salarié doit être correctement informé ce qui requiert l’utilisation de sa langue natale. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail. Ainsi les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle rédigés en anglais sont inopposables au salarié si celui-ci se prévaut du défaut de traduction en langue française (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-67492). En 2007, une décision contraire avait était rendue concernant un plan d’option de souscription d’actions, rédigé en anglais, et communiqué au salarié qui l’avait signé ; le salarié maîtrisant parfaitement la langue anglaise (Cass. soc., 16 mai 2007, n°05-45281).

 

En réalité, les juges ont de nombreuses fois défendu la langue française : la Cour d’appel de Versailles, par exemple, a jugé que la mise à disposition de documents traduits ou rédigés en français s’applique aux documents destinés aux techniciens pour l’installation et la maintenance d’appareils produits par l’entreprise dès lors que ceux-ci sont au moins pour partie commercialisés en France (CA Versailles, 2 mars 2006, no 05-1344). Personne n’a oublié d’ailleurs les conséquences tragiques d’une erreur de paramétrage sur un appareil de radiothérapie à l’hôpital d’Épinal, il y a une dizaine d’année. Le technicien chargé de la maintenance de l’appareil disposait seulement d’un guide d’utilisation en langue anglaise, sans aucune traduction en langue française. La même solution a pu être retenue à propos de logiciels mis à disposition des salariés (TGI Nanterre, 27 avr. 2007, no 07-1901).

 

Vous commenciez à trouver cela presque simple ? C’est le moment d’en venir aux exceptions ! Le code du travail a ainsi été modifié pour prévoir que « ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers » (article L1321-6 du code du travail). Le problème, c’est que l’on peut se demander aujourd’hui si cette solution pourrait trouver à s'appliquer aux entreprises à dimension internationale lorsqu'une autre langue que le français est utilisée comme langue commune dans les documents de travail mis à la disposition de certains salariés dont le poste exige le maniement de cette autre langue.


Une autre exception a par ailleurs été soulevée par la Cour de cassation : « sont soustraits à cette obligation les documents liés à l'activité de l'entreprise de transport aérien dont le caractère international implique l'utilisation d'une langue commune, et dès lors que, pour garantir la sécurité des vols, il est exigé des utilisateurs, comme condition d'exercice de leurs fonctions, qu'ils soient aptes à lire et comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise » (Cass. soc., 12 juin 2012, n° 10-25822). Les juges semblent nous dire que des circonstances particulières peuvent justifier des exceptions à l’obligation de traduire en langue française des documents de travail, alors même que les documents en cause ne proviendraient pas de l’étranger ou ne seraient pas à destination d’étrangers. L’exception est donc admise sous des conditions qui ont tout l’air d’être cumulatives : il faut une activité internationale avec une « langue commune » dont l’usage est imposé pour des raisons de sécurité ainsi qu’une obligation réglementaire, à la charge des salariés, de parler la langue étrangère concernée.

 


Ne pas respecter la loi Toubon, c’est puni comment ?


Sauf exceptions prévues par l'article L1321-6 et par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juin 2012, le non-respect de l'utilisation de la langue française peut entraîner l'intervention de l'inspection du travail et la non-prise en compte de la clause litigieuse par le juge.  Par exemple, le fait de ne pas mettre à la disposition d'un salarié une version en langue française d'un document présentant des obligations à l'égard de ce salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, soit 750 € au plus.

 

Finalement, les dispositions de la loi Toubon sont toujours d’actualité (le principe est la traduction des documents en français, peu importe que la « pratique » de l’anglais soit une réalité d’entreprise, que les coûts de traduction soient ou encore que l’anglais participerait de la culture de l’entreprise), mais les juges tentent d’en faire une interprétation de manière pragmatique ce qui, d’une certaine manière, rend les décisions moins lisibles ! Selon les circonstances, la jurisprudence admet donc que des salariés français puissent travailler en langue anglaise sans qu’il soit nécessairement besoin de procéder à une traduction systématique.  La loi Toubon se montre également hostile à l'irruption de l'anglais dans l'enseignement supérieur. Ne va-t-il pas falloir, un jour, trouver une solution pour que les jeunes salariés d’aujourd’hui  et de demain ne connaissent pas les mêmes difficultés que nombre de leurs aînés face aux langues étrangères ? Pour les autres, il n’est pas trop tard ! Un point de vigilance s’impose aux élus : l’employeur respecte-t-il son obligation d’accompagner le développement professionnel des salariés ?

 

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