CHRONIQUES
Un salarié peut-il s’habiller comme il le veut au travail ?



Droit Individuel - 10/12/24
1°) Le liberté de se vêtir constitue-t-elle un droit du salarié ?
La façon de se vêtir constitue une « liberté individuelle ». Mais elle n’est pas une liberté « fondamentale » (Cass.soc., 28 mai 2003, n° 02-40.273). Dans ces conditions, l’employeur peut tout à fait y apporter des restrictions dès lors qu’elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L.1121-1 du code du travail et Cass.soc., 12 nov. 2008, n° 07-42.220).
2°) De quelles restrictions parle-t-on ?
Les restrictions les plus courantes et admises sont les suivantes :
- Tenue décente
L’employeur peut être en mesure d’interdire le port de tenues considérées comme indécentes. Ainsi sont justifiés les licenciements d’une salariée ayant refusé de porter un soutien-gorge sous un chemisier transparent (Cass.soc., 22 juill. 1986, n° 82-43-824) ou d’une vendeuse en boulangerie ayant porté une robe laissant apparaître ses sous-vêtements à deux reprises alors que son contrat spécifiait le port d’une tenue correcte (CA Douai, 30 sept. 2010, n° 09/03045).
- Hygiène et sécurité
Des impératifs d’hygiène et de sécurité peuvent également justifier des restrictions à la liberté du salarié. L’employeur peut ainsi exiger d’un ouvrier charcutier qu’il se présente au travail avec une tenue propre (Cass.soc., 29 févr. 1984, n° 81-42.321).
- Clientèle
L’employeur peut imposer aux salariés en contact avec la clientèle de porter des vêtements spécifiques liés à leurs fonctions (Cass.soc., 6 nov. 2001, n° 99-43.988).
Ainsi un salarié en contact avec la clientèle se présente au travail en bermuda. A la suite de remarques orales puis écrites de sa hiérarchie, restées sans effet, il est licencié pour avoir manifesté une opposition forte et persistante à l’application d’une consigne (Cass.soc., 12 nov. 2008, n° 07-42.220).
A savoir : L’employeur ne peut avoir les mêmes exigences vestimentaires avec des salariés qui ne sont pas en relation avec la clientèle (Cass.soc., 3 juin 2009, n° 08-40.346).
3°) Quels textes peuvent imposer une tenue au salarié ?
- Les dispositions conventionnelles ou un accord collectif.
Ces textes peuvent prévoir le port d’une tenue vestimentaire particulière. Ainsi, la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 impose au personnel ambulancier une tenue particulièrement soignée et qui comporte obligatoirement une blouse blanche. (IDCC 16 - article 22bis de l’Accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers).
- Le règlement intérieur de l’entreprise.
L’employeur peut prévoir l’obligation de porter un uniforme, certains vêtements de travail ou un insigne. Cette obligation doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (article L. 1321-3 du code du travail). La clause ne doit pas être générale et imprécise sinon elle sera jugée illicite (Cass.soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845 et Cass.soc., 19 mars 2013, n° 12-11.690).
- Une clause du contrat de travail.
La clause doit mentionner la justification de cette obligation (hygiène et sécurité, contact avec la clientèle, etc.) et préciser les modalités d’utilisation de la tenue de travail (article L. 1121-1 du code du travail).
4°) Le port des signes religieux.
La liberté de se vêtir concerne évidemment le port de signe religieux sur le lieu de travail. Des limitations générales et absolues ne peuvent pas être imposées par l’employeur. La prise en compte des convictions religieuses peut constituer une discrimination (article L. 1132-1 du code du travail). Cependant, certaines restrictions sont tolérées si elles sont justifiées et proportionnées au but recherché (article L.1121-1 du code du travail).
Des conditions particulières d’exercice de fonctions peuvent concerner certains emplois et entrainer des restrictions adaptées. En ce sens, les impératifs d’hygiène et de sécurité peuvent permettre à l’employeur d’imposer le port de tenues spécifiques incompatibles avec le maintien des signes religieux (CEDH, 15 janv. 2013, Req. n° 59842/10).
De même la manifestation de la liberté religieuse du salarié peut être restreinte pour les souhaits de la clientèle. Cette restriction est uniquement possible pour la mise en place d’une clause de neutralité dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service valant adjonction au règlement intérieur (Cass.soc., 22 nov. 2017, n° 13-19.855 et Cass.soc., 14 avr. 2021, n° 19-24.079).
A savoir : La clause de neutralité doit être générale et viser de façon indifférenciée les signes tant religieux que politiques ou philosophiques et ne s’appliquer qu’aux salariés en contact avec la clientèle.
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