CHRONIQUES
Maladie pendant congés payés, un revirement à venir ?



Conditions de travail > Repos, congés, jours fériés - 03/09/25
Depuis des années, la jurisprudence sur l’impact de la maladie sur les congés payés des salariés est claire. Toutefois, une mise en demeure de la commission européenne pourrait faire évoluer ces règles.
Le principe applicable
Actuellement, la jurisprudence estime que le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés ne peut revendiquer le report de ceux-ci.
En effet, la Cour de Cassation, il y a presque 30 ans, a estimé que « si le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n'a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l'employeur s'étant acquitté de son obligation à son égard, le salarié dont le contrat de travail est déjà suspendu par un arrêt de travail pour maladie à la date des départs en congé fixée par l'employeur conserve son droit à congé et peut demander à en bénéficier ultérieurement en sorte que l'employeur, qui n'est pas libéré de son obligation, demeure tenu de lui permettre d'exercer ce droit pour la part de congé non prise du fait de l'arrêt de travail (Cassation, 4 décembre 1996, n°93-44.907)
En pratique, cela signifie qu’un salarié qui tombe malade avant la prise de ses congés payés peut demander le report de ceux-ci tandis que le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés reste en congés payés, peu importe la maladie qui intervient au cours de ceux-ci.
Bon à savoir : de nombreuses conventions collectives prévoient toutefois une règle plus favorable en imposant le report des jours de congés payés.
Il s’agit en réalité de l’application juridique du principe de la première cause de suspension du contrat de travail qui prime dans une telle situation. Le salarié étant déjà en congés payés, la maladie ne saurait annuler ces congés.
Pourquoi une telle modification à venir ?
La Cour de justice de l’UE estime a contrario que le salarié qui est en congés payés et qui tombe malade peut reporter de tels jours de congés payés (CJUE, 21 juin 2012, n°C78/11, ANGED C/FASGA). Elle estime que la finalité des congés payés est de permettre aux salariés de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, ce qui n’est pas le cas lorsque le salarié est en maladie.
La Commission Européenne a sommé la France de se mettre en conformité avec la directive fondant la décision de la CJUE ci-dessus évoquée. En effet, le 18 juin dernier, la Commission Européenne a mis en demeure la France en estimant que la législation française n’est pas conforme aux règles européennes et notamment à la directive européenne sur le temps de travail.
La France disposait d’un délai deux mois pour répondre à cette mise en demeure soit jusqu’au 18 août dernier. En l’absence de réponse, la commission pourra réagir en émettant un avis motivé, permettant de saisir la cour de justice de l’union européenne, qui quant à elle, pourrait sanctionner la France.
Bon à savoir : la Cour d’appel de Versailles a par ailleurs estimé qu’un tel report était obligatoire, la maladie suspendant les congés payés (CA Versailles, 18 mai 2022 n° 19/03230)
La réaction du ministère du travail
Sur le site du code du travail numérique, il est indiqué qu’«un salarié qui tombe malade pendant une période de congé annuel peut demander le report des jours de congés annuels qui coïncident avec le congé de maladie de longue ou de courte durée ». Les services du ministère du travail se basent notamment sur la jurisprudence de la CJUE.
De même, sur le site du ministère du travail, il est indiqué qu’afin d’éviter tout contentieux inutile, et sans préjudice des dispositions conventionnelles éventuellement applicables, les employeurs peuvent ainsi avoir intérêt à s’inspirer de ces décisions (CJUE et CA de Versailles) lorsqu’un salarié est placé en arrêt maladie durant ses congés payés.
Ainsi, le ministère du travail lui-même préconise d’appliquer la jurisprudence européenne sans toutefois qu’une telle position ne soit rendue obligatoire. En effet, une telle préconisation ne saurait avoir force de loi.
Et maintenant ?
Il convient d’attendre la réaction du législateur qui devra intervenir pour mettre le droit du travail en conformité avec le droit européen. En tout état de cause, la Cour de Cassation pourrait également rendre un arrêt procédant à un revirement de jurisprudence, ce qu’elle a fait il y a quelques années sur l’acquisition des congés payés pour les salariés en arrêt maladie.
Les élus doivent donc être vigilants sur les futures actualités jurisprudentielles et légales qui pourraient mettre à mal cette jurisprudence, établie depuis très longtemps. Nous serons par ailleurs vigilants sur les futures actualités, la Cour de Cassation devant se prononcer le 10 septembre prochain sur la thématique des congés payés. Affaire à suivre !
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