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Les Chroniques

CHRONIQUES





CE et syndicat, depuis leur divorce en 1968, chacun s'exerce dans l'art qu'il connaît

Conditions de travail - 25/07/14

Les forces syndicales en présence à la Libération obtiennent, en effet, une série de garde-fous afin de garder la mainmise sur cette nouvelle institution : les candidats du premier tour des élections ne peuvent se présenter que sur des listes syndicales, ces élus peuvent être révoqués sur proposition de l’organisation syndicale qui les a présentés (après approbation, tout de même, par les salariés) et enfin, les organisations syndicales disposent de représentants non élus pouvant siéger en réunions (les fameux, « représentants syndicaux au CE », dit aussi RSCE). Ces garanties données aux syndicats jurent quelque peu, avec la nature des CE « qui ne sauraient avoir un caractère revendicatif ».

De fait, si dans les premières années, cette ambigüité ne semble pas poser de réelles difficultés, peu à peu la relation entretenue par ce curieux couple « CE/syndicat » va devenir instable faisant apparaître crûment le décalage entre l’idéologie syndicale et les comités d’entreprises stigmatisés alors dans la revue « La Vie Ouvrière » comme des « porte-serviettes », ou encore des « babebibobus » et invités par certains syndicalistes à en finir avec « l’esprit maison » et avec les « nous qui les placent à  la remorque des patrons ». La loi de 1968 instituant une institution proprement syndicale (le délégué syndical) aux cotés des institutions élues (délégués du personnel et comité d’entreprise) marque davantage encore la séparation entre sections syndicales d’entreprise, investies d’un monopôle en matière de revendications et de négociations, et comités d’entreprise, investis d’un pouvoir consultatif. Ainsi, chacun peut inscrire sa propre histoire.

Les garde-fous posés à la naissance du comité (monopole syndical au premier tour, notamment) sont néanmoins conservés afin d’éviter que le choix des représentants du personnel au CE ne soient imposés par des Directions qui pourraient être désireuses de garder le contrôle sur cette instance. Il n’en reste pas moins vrai que pour être efficace et défendre au mieux l’intérêt des salariés (dans un contexte où les droits n’ont de cesse d’être remis en cause), « CE » et « Syndicat », tel un couple qui -usé par les années- déciderait de faire chemin séparé, doivent pouvoir avancer côté à côté sans se marcher sur les pieds.

La place du syndicat dans l’entreprise

Enclenchée par une révolte de la jeunesse étudiante, puis gagnant le monde ouvrier et pratiquement toutes les catégories de population sur l'ensemble du territoire, le mouvement social de mai 1968 a illustré en son temps une contestation multiforme de tous les types d'autorité. Les accords de Grenelle, négociés en pleine crise entre les représentants du gouvernement Pompidou, des syndicats et des organisations patronales permettent ainsi d’introduire, dans ce contexte, une forme de contre-pouvoir ouvrier en reconnaissant le droit syndical en entreprise concrétisée par la création de la section syndicale (loi du 27 décembre 1968).

À cette occasion, la liste des syndicats présumés "représentatifs" établie en 1948 , puis modifiée à la marge en 1966, n’est pas retouchée. Elle comprend la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ainsi que la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Peu à peu, ce club des 5 devient pourtant la cible de critiques sur le terrain de la légitimité en raison du fait, notamment, que si la France lorsque la Ve République vit le jour en 1958, comptait un peu plus d'un travailleur syndiqué sur quatre, le nombre de syndiqués plafonnent désormais et depuis plusieurs années à moins de 8%. Les règles, jugées obsolètes, sont donc modifiées par la loi du 20 août 2008  portant rénovation de la démocratie sociale. Cette dernière donne un sens nouveau au monopole syndical imposé lors du premier tour des élections professionnelles ; il doit permettre d’assoir la légitimité des organisations sur leur audience électorale. L’accès à ce premier tour demeure ainsi réservé aux « organisations syndicales » présentes depuis au moins deux ans dans le champ géographique et professionnel couvrant l'entreprise et qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance mais, pour être reconnus représentatives, elles doivent recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés à cette occasion.

Atteindre cet objectif est d’autant plus important qu’il conditionne le droit de désigner un délégué syndical. Tant que l'entreprise possède au moins un délégué syndical, seules les organisations syndicales représentatives sont habilitées à négocier un accord collectif, par l'intermédiaire des délégués syndicaux, hormis certaines négociations ouvertes également au comité d’entreprise (comme par exemple, s’agissant de l’épargne salariale). Afin de renforcer la légitimité du délégué syndical au sein de l'entreprise, la réforme de la démocratie sociale prévoit cependant que cet acteur majeur de la négociation soit désigné parmi les candidats au premier tour des élections professionnelles ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés en leur nom propre.

Si ce couple instable « comité/syndicat » fait route séparée, le législateur assure donc néanmoins la croisée des chemins laissant entrevoir que ces instances doivent travailler de concert pour avancer efficacement : les syndicats sont tenus de présenter une liste à l’élection du CE s’il souhaite assoir leur légitimité, le comité d’entreprise peut désigner un expert-comptable pour assister les délégués syndicaux dans certaines négociations (accords de maintien dans l’emploi, plan de sauvegarde de l’emploi…), etc. Reste que chacune possède bien ses propres attributions et ses propres moyens d’actions… ainsi que ces propres caricatures. Si le comité d’entreprise est souvent perçu par les salariés comme un distributeur de bons cadeaux, les syndicats sont quant à eux systématiquement associé aux piquets de grève.

Vu de l’étranger, la caricature va plus loin encore. Les mots « contestations », « grèves », « 35 heures » et « vacances » sont souvent directement associés aux français. Les propos très tranchés de Maurice Taylor, le patron de Titan concernant les travailleurs français, et plus notamment ceux de l’usine Goodyear à Amiens («Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures, écrivait-il en détaillant « ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures») reflèteraient-ils une pensée plus commune des français vu de l’étranger ? 

Certains considèrent que, depuis la révolution, descendre dans la rue est une coutume locale pittoresque chez nous. Pourtant, la grève est un droit collectif assez récent. Si le délit de coalition a été supprimé dès 1854 ; il a été remplacé à l’époque par le délit d’atteinte à la liberté du travail. La grève est ainsi restée illicite sur le plan contractuel jusqu’en 1946, date à laquelle elle a été inscrite dans le préambule de la Constitution. Jusque-là être en grève conduisait les salariés à la possibilité de rupture de leur contrat de travail. À l’inverse, la légalisation a offert au salarié un droit de suspension unilatérale du contrat de travail synallagmatique ; en quelque sorte, le pouvoir reconnu aux salariés de neutraliser le pouvoir de leur employeur afin de faire pression aux fins d’obtenir l’objet de leurs revendications. Nécessairement, un tel mouvement implique un encadrement sur le terrain juridique et sur le terrain opérationnel.

Pourtant, il existe très peu de textes sur la grève. D’ailleurs seuls huit articles  du code du travail mentionnent expressément le mot « grève ». Il s’agit donc pour beaucoup d’une construction essentiellement jurisprudentielle, à la fois civile (la chambre sociale est amené à se prononcer sur l’existence de ce droit), judiciaire (la chambre criminelle est saisie lorsque des infractions sont commises ou suspectées pendant la grève) et administrative (en cas de réquisitions de salariés grévistes ou de licenciement de salariés investis d’un mandat représentatif).

Il en ressort que, dans le secteur privé si la grève suppose l'existence de revendications professionnelles les grévistes peuvent néanmoins déclencher un mouvement de grève à n'importe quel moment sans avoir à respecter de préavis. Le mouvement peut être plus ou moins long puisqu’il n’existe ni durée minimale ni durée maximale. Pendant le mouvement de grève, le contrat de travail est suspendu : le salarié ne travaille pas et de ce fait, l’employeur est en droit d’opérer une retenue sur la rémunération du salarié gréviste proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail. Enfin, l’employeur a l’interdiction d'infliger une sanction disciplinaire à un gréviste pour des faits non constitutifs d'une faute lourde. Le salarié gréviste bénéficie donc d’un statut protecteur lui permettant de retrouver son emploi à l’issue du mouvement et empêchant qu’il ne soit jugé responsable du préjudice résultant de l’exercice normal du droit de grève. Il va s’en dire qu’il en va autrement en cas d’actions fautives des grévistes : interdire l’accès de l’entreprise aux salariés non-grévistes, séquestrer un dirigeant, etc.

Dans les services publics, ce droit est plus encadré et notamment par la loi de 2007  qui vise à anticiper la pratique de la grève dans les transports terrestres de voyageurs, fixant ainsi un préavis ainsi que les conditions d’exercice d’un service minimum.

Les Français, toujours en grève ?

D’après les chiffres 2011 de la Dares, non ! La proportion d’entreprises du secteur marchand non agricole, toutes catégories de taille confondues, ayant connu au moins un arrêt collectif de travail a d’ailleurs fortement diminué : 1.8% des entreprises de 10 salariés ou plus en 2011 contre 3.3% en 2010 (année marquée par les nombreux arrêts collectifs en lien avec la réforme des retraites) et 2.2% en 2009. L’année 2011 a ainsi témoigné d’un des plus bas niveaux de conflictualité constaté depuis 2005 : là où il y a eu des mobilisations, elles ont été beaucoup plus courtes et/ou ont concerné beaucoup moins de salariés. Il est intéressant de se demander quels sont les motifs qui conduisent à la grève. Si les revendications salariales viennent en tête (53% des entreprises ayant signalé au moins une grève), les conditions de travail sont un motif mentionnées par 21% des entreprises ayant connu une grève en 2011, suivi de l’emploi et des licenciements à 14% et plus rarement du temps de travail (5%). Est-ce une surprise de constater que les entreprises de transports se démarquent par une conflictualité nettement plus élevée ? Pas vraiment ! L’actualité récente de la SNCF, de la Société nationale maritime Corse Méditerranée ou encore le préavis lancée chez Air France nous le rappelle d’ailleurs.

Il est d’ailleurs souvent reproché aux grévistes du secteur des transports de « prendre en otage » les usagers. Il s’agit d’un vocable fort que celui de la prise en otage qui fait référence habituellement au « fait de retenir une personne, contre sa volonté, pour garantir l'obtention de quelque chose ». L’association de cette idée démontre, en tous les cas, un vif sentiment de rejet de ce type d’actions.  Les sondages réalisés lors des derniers mouvements de grève le prouvent : les français sacralisent de moins en moins le droit de grève dans l’Hexagone. Les grèves de la SNCF et les nombreux désagréments qu’elles ont causées, en plein bac, ont peut-être été la goutte d’eau de trop. Selon de récent sondage, la grande majorité des Français interrogés (76 %)  ont condamné le mouvement des cheminots. Le mouvement des intermittent du spectacle, en pleine période de festival, n’emporte guère un plus vif soutien puisque 55%  des Français sont opposés à ce mouvement. L’exaspération est telle que, selon un sondage Ifop pour Atlantico réalisé en avril 2014, seuls 32% des Français interrogés font encore confiance aux syndicats alors qu'en décembre 2002 ils étaient 56%.

De moins en moins de soutien

Le mot d’ordre semble désormais être : « des revendications sociales, oui, mais à condition de ne pas gêner les autres ». D’ailleurs, certains déplorent que les mouvements de grève ne se manifestent pas plutôt par une gratuité pour les usagers et/ou consommateurs afin de ne pas faire peser sur la société toute entière des revendications sur lesquelles elle n’a pas la main. En réalité de tels mouvements ne sont pas autorisés par les règles actuelles du droit. Cela consisterait en une exécution défectueuse du travail, fautive, et donc pour laquelle le salarié se verrait sanctionner. Pour bénéficier du statut protecteur de la grève, il doit y avoir « cessation totale du travail ».

Les limites posées dans les services publics, et plus précisément dans les transports terrestres de voyageurs afin de permettre la mise en place d’un service minimum, ne semblent plus suffire aujourd’hui à calmer la grogne que suscite un tel mouvement. Une récente étude  précise ainsi que les Français sacralisent de moins en moins le droit de grève, quasi institutionnel voir sacré dans l’Hexagone : 72 % des sondés trouveraient ainsi normal que les personnes ayant subi un préjudice suite à une grève soient  indemnisées. Pour 25 % d’entre eux, l’indemnisation proviendrait de l’entreprise en grève. Pour plus de 29 % d’entre eux, elle viendrait en revanche des syndicats ayant voté la grève. Pour près de 20 % des personnes interrogées, ce serait par l’État ou aux assurances de mettre la main au porte-monnaie.

L’exaspération que suscitent les mouvements de grève est d’autant plus vive que de nombreux articles se font désormais le relais du coût des grèves, à l’heure où de nombreux efforts sont demandés à un pays dans lequel chômage et déficits sont lestés par une faible croissance. Guillaume Pépy a ainsi évalué les pertes de son entreprise à plus de 160 millions d’euros, « c'est l'équivalent de 15 trains neufs qu'on ne pourra pas avoir». "Un tiers de notre résultat de l’année dernière. C’est énorme" a commenté à ce sujet le PDG de la SNCF. Du côté de l'Agence du tourisme de Corse, on chiffre la grève de la Société nationale maritime Corse Méditerranée a au moins 18 millions d'euros  pour le secteur du tourisme.

Il en ressort aussi qu’au-delà d’une certaine durée, le coût d’une grève devient un élément non-négligeable non seulement pour l’entreprise concernée mais aussi sur son économie, surtout si l’on estime qu’elle peut avoir un impact direct sur la croissance du pays. Il est cependant difficile d’évaluer précisément ces conséquences, d’autant qu’il existe de nombreux modes de calcul différents : estimation de l’effet de la grève sur le PIB (produit intérieur brut), évaluation de la perte de temps associée à l’allongement des temps de déplacement pour l’ensemble des travailleurs (qui se répercute sur le temps de travail soit sous forme de retard à l’arrivée ou de départ anticipé du bureau) et au surcoût de transport lié à l’usage de moyens de transport de substitution (voiture particulière au lieu des transports en commun), impact sur les relations commerciales (clients, fournisseurs), sur les relations de partenariat, dégradation de l’image et de la fiabilité de la France, etc.


 

Au-delà de son impact économique, sociale ou encore d’image, la grève nous met douloureusement face à nos échecs. Car si aujourd’hui le « dialogue social » est sur toutes les lèvres et fait si souvent l’objet de réformes, force est de constater qu’il ne se porte pas très bien. N’est-il pas temps d’instaurer un dialogue sérieux, loyal et efficient afin de surmonter, dans l’intérêt de tous, les défis économique et structurelle de notre société ? Cela est-il seulement possible ?

 

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