CHRONIQUES
Quels éléments faire préciser dans son contrat de travail ?


Conditions de travail > Contrat de travail - 06/08/15
En matière de droit du travail, la difficulté réside bien souvent dans la nécessaire conciliation entre l'intérêt de l'entreprise (qui évolue, modifie ses structures et ses systèmes d'organisation afin de s'adapter aux évolutions des marchés concurrentiels) et la protection des droits des salariés ou plus généralement le droit des contrats. Pour combiner les deux, les juges font une distinction entre « changement des conditions de travail » et « modification du contrat de travail ».
Cette distinction a-t-elle une importance ?
Oh que oui ! Si l’employeur souhaite modifier le contrat de travail d’un salarié, il doit obtenir son accord et le matérialiser par un avenant. En cas de refus du salarié, l'employeur doit, soit revenir au respect du contrat initial, soit licencier le salarié si les raisons qui l'ont conduit à proposer la modification du contrat le permettent (par exemple, proposition de changement de poste pour motif économique ou proposition de mutation pour raison disciplinaire). Le simple refus de la modification du contrat de travail ne peut en effet constituer le motif du licenciement. À l’inverse, lorsque l’employeur décide simplement de changer les conditions de travail, le salarié ne peut pas s’y opposer ! Son refus pourrait justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Bon à savoir : Pour les salariés dits protégés, les choses sont différentes ! Compte tenu de leur statut particulier, il ne peut leur être imposé ni de modification du contrat de travail, ni de changement de leurs conditions de travail. En cas de refus du salarié, il appartient à l'employeur, soit de le maintenir dans ses fonctions, soit d'engager la procédure spéciale de licenciement.
Qu’est-ce que l’on considère comme une « modification du contrat de travail » ?
En l'absence de précision dans le code du travail, c'est la jurisprudence qui a précisé la notion de modification du contrat. Le caractère contractuel d'une modification s'apprécie en fonction non seulement des stipulations contractuelles mais aussi en considération des éléments que les juges considèrent par nature « essentielle » à tout contrat de travail. Afin de ne pas dépendre de l’interprétation des juges, la prudence recommande aux salariés de faire inscrire dans leur contrat (par le biais d’un avenant, par exemple) tous les éléments qu’ils estiment essentiels !
Préciser le lieu de travail pour ne pas subir une mobilité forcée
La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Si ce n’est pas le cas, la mutation du salarié dans un même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail s'imposant au salarié (s’il ne veut pas être licencié pour cause réelle et sérieuse). Peu importent donc les incidences personnelles (existence de contraintes familiales, durée du trajet quotidien, mode de transport utilisé ou encore, appartenance au statut de cadre et situation financière plus aisée du salarié) ; dès lors que le transfert du lieu de travail s'effectue à l'intérieur d'un même secteur géographique, l'accord préalable du salarié n'est pas requis !
Mais que faut-il entendre par secteur géographique ? C’est bien là tout le problème ! La Cour de cassation n'a pas défini la notion de secteur géographique dont les contours semblent dès lors devoir relever de l'appréciation souveraine des juges du fond. La région en constitue une illustration mais on peut également penser à une zone urbaine, à un bassin d'emploi ou encore à la couronne urbaine du chef-lieu de département. Il a, par exemple, été jugé qu'un déplacement de l'entreprise à l'intérieur de la région parisienne constitue un simple aménagement des conditions de travail, alors même que le transfert du lieu de travail représentait pour le salarié un allongement considérable de son temps de transport quotidien, celui-ci étant désormais de trois heures par jour au lieu de vingt minutes (ici) ! Le changement de localisation du lieu de travail entre 2 sites situés à 56 km de distance (Villers-lès-Nancy et Metz) ne constitue pas en soi un changement de secteur géographique (ici). Pire, les juges, prenant en considération les moyens de transport desservant les sites de Dax et de Bordeaux, ont récemment fait ressortir que le nouveau lieu de travail proposé (Bordeaux) se situait dans le même secteur géographique que l'ancien (Dax) alors que les deux sites étaient pourtant distants d'environ 150 kilomètres (ici) !
Vous aimez votre métier ? Préciser votre fonction et le détail de vos tâches
D’après les juges, dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut faire évoluer les tâches effectuées par le salarié (retrait de certaines tâches, ajout d’activités nouvelles, création d’un niveau hiérarchique intermédiaire, affectation à un nouveau département…), dès l'instant où elles correspondent à sa qualification. Le salarié a tout intérêt à faire préciser dans son contrat de travail sa fonction, mais aussi le détail des tâches qu'il est amené à accomplir. Si l'employeur tient à mentionner dans le contrat de travail que ces tâches pourront évoluer en fonction des besoins de l'entreprise, ou s'il précise que la liste des tâches n'est pas limitative, cela ne lui donne pas tous les droits en terme de modification des tâches. En effet, on peut penser que l'accord du salarié serait requis si le contrat de travail mentionne que le salarié est affecté exclusivement dans un service ou un département bien déterminé. De plus, si les nouvelles tâches remettent en cause la qualification, le niveau de responsabilité ou la nature même de l'activité du salarié, il s'agit d'une modification du contrat soumise à l'acceptation du salarié (ici).
Pas touche à mon salaire !
Les primes relevant d'usage (comme c’est souvent le cas de la prime du 13e mois) peuvent être remises en cause par l’employeur et ainsi disparaître (ici). De même, lorsque la rémunération relève exclusivement d'une convention collective et d'accords d'entreprise, la modification de ces textes conventionnels par la mise en place d'un nouvel accord s'impose aux salariés. Il est donc vivement conseillé au salarié de vérifier que l'employeur précise bien tous les éléments de sa rémunération dans le contrat de travail. Notamment, s'il a été prévu que le salarié bénéficie, en plus de son salaire de base, de primes (13e mois, prime d'objectifs, etc.), d'avantages en nature (véhicule de fonction, téléphone ou ordinateur portable, par exemple), ou encore d'une augmentation du salaire au bout d'un certain nombre de mois de présence, le salarié a intérêt à ce que tout cela soit bien indiqué dans son contrat de travail pour apporter une preuve en cas de problème.
Le salarié a aussi intérêt à faire préciser le nombre de congés payés qu'il va acquérir par mois travaillé, ainsi que, le cas échéant, le nombre de jours de RTT auxquels il aura droit. Sinon, les jours de congés supplémentaires accordés par usage (pour l’anniversaire de la société, la veille de Noël, etc.) peuvent être supprimés par l’employeur sur simple dénonciation de l’usage.
Mes horaires de travail, j'y tiens !
Même si la mention des horaires de travail n’est pas obligatoire, sauf pour les contrats de travail à temps partiel, si les horaires de travail sont, pour des raisons personnelles ou familiales, un élément déterminant de son engagement au sein de l'entreprise, le salarié a tout intérêt à les faire indiquer sur son contrat de travail pour éviter toute ambiguïté avec l'employeur. Si les horaires de travail ne sont pas précisés, les juges font une analyse au cas par cas. Ils ont par exemple estimés que ne constitue qu’un simple changement des conditions de travail s’imposant au salarié : une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, une nouvelle répartition du travail sur la semaine, la suppression d’une astreinte, le passage d'une heure de travail de nuit à une heure de travail de jour sans modification de la durée totale du travail, etc. Par contre, si les horaires de travail sont contractualisés, le changement d'horaires est une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié.
Le salarié peut aussi faire préciser certaines clauses spécifiques dans son contrat de travail. Par exemple, si l'employeur veut lui proposer une clause de non-concurrence, qui va s'appliquer après la rupture du contrat de travail et qui va lui interdire de travailler chez un concurrent, l'employé a intérêt à faire en sorte que cette clause soit la plus favorable pour lui, c'est-à-dire qu'elle soit limitée dans le temps ou l'espace, et que des contreparties financières intéressantes soient prévues. Si le salarié estime que sa fonction ou que l'intérêt de l'entreprise ne justifie pas une clause de non-concurrence, il doit négocier le retrait de celle-ci. Concernant les clauses relatives au préavis légal de licenciement ou de démission, le salarié peut faire préciser dans son contrat de travail quelle sera la durée de ceux-ci. Il peut, s'il y voit un intérêt, négocier avec l'employeur une clause de préavis de licenciement qui soit la plus longue possible par rapport à ce que stipule la convention collective ou, le cas échéant, le code du travail. Pour le préavis de démission, il peut aussi tenter de négocier avec l'employeur une durée qui soit plus courte que celle prévue par la convention collective applicable.
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